Cycles des figures
Cycle 3
Cycle 2
Cycle 1
Les figures
Mon travail s’inscrit dans le champ de la peinture figurative contemporaine. Figurer, ce n’est représenter un déjà-là, une forme définie d’avance, mais c’est plutôt se situer dans l’entre-deux, entre une forme et ses transformations, entre ce qui ce qui échappe et ce qui advient – oscillations qui sont autant celles de la matière picturale. D’où sans doute cette dimension fantomatique ou fantasmatique de la figure, laquelle se trace dans les écarts et les déplacements, et, insistante, revient toujours, souvent d’elle-même.
Aussi la pratique picturale engage-t-elle pour moi un rapport fondamental au temps. La peinture est elle-même matière temporelle. Elle a son autonomie organique, ses tonalités récurrentes, ses recouvrements, ses altérations, ses repentirs et ses réserves. Donnant à voir plusieurs niveaux de visibilité, elle joue des alternances, des saturations et des lacunes de l’image. Les figures sont là, mais mobiles, par ellipses, parfois saisies et retenues, parfois biffées. De ce parcours qui met à mal le volontarisme figuratif, le tableau porte l’empreinte. Et s’il s’achève en une visualisation actant mémoire, ce n’est qu’en tant que celle-ci advient par analogies et substitutions. L’emprise du temps n’est pas une donnée de la conscience, elle lui échappe plutôt. Peindre, c’est tracer ces échappées.
Partant du portrait d’après nature, visage aux expressions plurielles mais dont la peinture cherche la singularité, j’ai été amenée à introduire la photographie, moins comme support visuel (aide-mémoire) que parce qu’elle témoigne d’une pose, figure(s) frontale(s) le plus souvent fixant l’objectif – comme autrefois déjà le portrait de peinture. Ce qui m’intéresse, c’est le moment photographique et la manière dont les visages et les corps se disposent face à l’objectif : cette pose, une pause pourrait-on tout autant dire, suspendue à l’enregistrement visuel d’un moment du temps, instant arraché à la mobilité, captation de ce qui en vérité n’a jamais lieu (une immobilité parfaite, une identité à soi du temps, des corps et des êtres), non-lieu de ce qui souvent sera tombeau (l’effigie, l’imago). L’interprétation picturale de ce moment paradoxal tend à chercher la figure (dynamique et mobile) derrière l’image (statique). Et, par le pinceau, faire advenir et disparaître l’indéfini des mouvements et des expressions possibles– avant, après la prise de vue –, ou n’en retenir que des résidus colorés.