Novembre ou Le Nuage
C’était un jour de novembre à Rome en 2010. Sont passées toutes les saisons en quelques heures, la lumière changeait à chaque instant, il fallait sans cesse lever et baisser la tête, peindre très vite. J’avais moins de 20 feuilles, je m’en suis tenue là.
Le lendemain, les feuilles étaient par terre, presque sèches. Un faux pas, sur l’une d’elle j’ai marché: de ce pas on voit la trace (trace de pas et pas de trace, je me souviens que Lacan a joué de cette inversion quelque part à propos de l’identification, il était aussi question de son chien, d’une histoire de stigmates, du reste je ne me rappelle pas sauf que j’ai beaucoup ri).
Ciel/s, nécessairement pluriel : ciel/s, et non cieux, qui dit le pluriel par la majesté uniforme. Ciel/s, du pluriel mobile de la singularité mouvante des nuages, chacun pris et perdu dans le même temps de le voir. Sans synthèse possible, un voir qui finalement n’est que d’avoir peint, ce nuage, qui passait.
Nuage, phénomène instable, matière indéchiffrable, ici, là, brouille la vue, échappe à ses figures. Isoler le nuage (impossible), saisir, tracer, excéder, échouer, recommencer. Nuage, phénomène de la peinture : fondamentalement perturbateur.
Une installation de l’œuvre a été proposée lors de l’exposition « Paradiso », organisée par Alberto d’Amico, Studio Campo Boario, Rome, 2021.