Les rires fantômes
(Les élèves de l’école secondaire juive de la Grosse Hamburger Strasse, Berlin, 1938, (d’) après Christian Boltanski, œuvre éponynme)
2020
Il s’agit d’abord ici d’une image, qui est devenue une œuvre d’art, une photographie qui montre des enfants riant. Ce sont des visages d’enfant riant. Des enfants qui savent qu’ils sont photographiés et ils rient face à l’objectif. C’est une photographie dont je ne sais si je n’en connais qu’un détail, que je n’ai jamais vue autrement qu’à travers ses différentes présentations dans l’œuvre de Christian Boltanski, intitulée Les élèves de l’école secondaire juive de la Grosse Hamburger Strasse, Berlin, 1938. Un titre qui n’est qu’indicatif (les sujets, le lieu, la date), mais immédiatement, en amont de ces visages, en aval aussi, en toutes part qui traverse les traits enfantins de leur rire, ce qui est indiqué, c’est l’extermination des Juifs d’Europe – chacun le sait.
J’ai de cette image quelques versions imprimées qui étaient offertes aux visiteurs d’une exposition Boltanski au Centre Georges Pompidou, il y a longtemps, de l’année je ne me souviens pas précisément. Je me souviens de l’ami qui m’a offert cet ensemble d’images, du moment où il me les a offertes, il y en avait 4, il n’en trouvait que 3, il a renvoyé à plus tard de me remettre la 4e, c’était dans les escaliers de sa maison pleine de cartons, en cours d’emménagement, ou de déménagement.
C’est une image insistante, terriblement belle, que je n’ai pas cessée de retrouver, de déplier, de regarder à nouveau, au cours de mes propres déménagements. D’atelier en atelier, dans le désordre de mes archives, je la retrouve toujours. J’ai de nombreuses fois dessiné, peint, gravé ces visages, leurs contours, leurs ombres, leur lumière, et le rire.
(La série de 2020 s’y est attardée, en séparant chaque enfant, chaque visage, sur une feuille isolée de petit format.)